2014-Au nom de Sara-4857 Mao Zedong Avenue (*)
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WASHANDONG ! La mégalopole futuriste pervertie par le fric roi, la dégradation de toute valeur morale, subit une partition sociale en trois zones. Aux antipodes l’une de l’autre, la Shanty Town où survivent les gens d’en bas et le SFD (Shangaï Financial District) où sévit le monde de la finance. La Hard City se trouve au centre et c’est là que vit le héros du roman, Georges Boulanger, égaré dans une classe moyenne vieillissante, perturbé par un mal-être permanent depuis que sa femme n'est plus. Ces trois milieux ne génèrent aucune mixité, mais plutôt les vices les plus détestables, chacun replié sur soi dans une sorte de xénophobie rédhibitoire.
Lorsque G. Boulanger assiste, seul témoin de la scène, à la mort atroce d’un adolescent broyé dans une benne à ordure et qu’il reçoit la lettre d’une mystérieuse Sara lui fixant RV au 4857 Mao Zedong Avenue pour en discuter, le lecteur est intrigué par la teinture fantastique du récit à laquelle succède une dimension onirique. Tel un Hobbit pourfendeur de monstres, le principal protagoniste, se lance dans une quête du paradis perdu des vertus humanistes, en compagnie d’un escadron de camarades qui rallient sa cause.
Écrit dans une langue sobre et efficace, émaillée d’une couleur poétique, la narration rythmée par des rebondissements aussi étranges qu’inattendus, emporte le lecteur dans un univers original et fascinant. Ancré dans une perspective visionnaire, ce roman engagé nous offre un miroir inquiétant de notre civilisation en posant des questions d’actualité qui interpellent. Chacun rêve alors de s’identifier à Georges pour partager avec lui cette volonté d’enrayer une mutation planétaire si pernicieuse.
Candeur nostalgique dans la recherche des racines…
À découvrir sans tarder. Talent romanesque prometteur. -
4857
Un roman de science-fiction est toujours beaucoup plus qu’un roman de science-fiction. Ainsi le veut la loi du genre.
Mais il n’est que rarement un roman moral.
C’est pourtant le cas du « Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley où le révolté Henri Marx réussit à venir à bout d’une civilisation futuriste apocalyptique ironiquement baptisée « meilleur des mondes ». C’est aussi le cas de la « la machine à remonter le temps » de HG Wells, métaphore inspirée où les gens du haut, les Eloïs, sont menacés par les gens d’en bas, les Morlocks.
Ce n’est donc pas un hasard si ces deux écrivains illustres ont été des progressistes notoires ayant consacré leur plume à imaginer l’avenir pour agir sur le présent.
C’est dans cette lignée que s’inscrit Patrick Lagneau avec son dernier roman « 4857 ».
On retrouvera, comme chez Wells, une opposition entre le monde des damnés (Shanty town) et le monde des nantis (Washandong). On retrouvera comme chez Huxley, un homme révolté qui va tout mettre en œuvre pour venir à bout de la dictature de l’argent.
L’originalité de l’auteur tient au fait qu’il se plonge dans le plus lointain des avenirs pour retrouver le plus lointain des passés. À la Washandong futuriste tout en gratte-ciels et mécanismes hypersophistiqués, s’oppose le monde de l’Ancien Testament, de la foudre divine, des paradis entrevus et des illuminations. Non pas le monde des « Blade runner » de Ridley Scott, mais celui de Moïse, de Noé, et des prophètes inspirés.
Et c’est bien un ton prophétique qu’utilise Patrick Lagneau dans « 4857 ». Dans un style perfectionniste, où tout retrait serait un manque et tout ajout une surcharge, il fustige un monde corrompu où une minorité privilégiée exploite sans vergogne une majorité aux abois, et il se fait l’apôtre d’une société altruiste, d’une sorte de communisme mystique, voire de confrérie maçonnique, où une poignée d’élus vont enfin se charger de « faire du passé table rase » afin d’engendrer un monde meilleur. Recourant tant aux groupes de paroles des techniques psychanalytiques qu’à la pensée magique chère aux spirites, l’auteur nous dévoile son nouvel évangile. Et ce nouvel évangile est celui des valeurs perdues autrefois transmises par son maître d’école.
Non exempt d’humour et de nostalgie, empreinte d’une sensibilité pudiquement contenue, cette apologie du contrôle des pulsions et du sur moi exigeant saura vous tenir en haleine jusqu’à la dernière ligne.
Si je puis me permettre deux conseils. Le premier : aérer les paragraphes. Certains tiennent toute la page et pourront sembler rébarbatifs au lecteur nonchalant. Le second : le titre. Sans tomber dans l’exhibition roublarde d’une femme court-vêtue se masquant le sexe, on pourrait suggérer un titre plus accrocheur et plus emblématique de l’intrigue. « Au nom de Sara » me paraît une suggestion.
Je terminerai par le commentaire du bon père Cresson à la rédaction de son meilleur élève : « Excellent travail, camarade Lagneau. Persévérez, vous êtes doué ! Maintenant, il ne vous reste plus qu’à trouver un éditeur digne de voler à votre hauteur ! Celle d’une belle âme ! ».
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